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MONTVIVES Michel, roman noir, sociétal
30 janvier 2021

REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE NOIRE, POLICIERE De son importance dans le monde actuel

ET SI LE ROMAN NE POUVAIT ÊTRE QUE NOIR ?

Si l'on se penche sur la société française on s'aperçoit qu'elle se fragmente de plus en plus et qu'elle se trouve dans un état de délabrement avancé, certains plus pessimistes parleront de décomposition. On n'analysera pas ici les causes politiques, sociologiques, idéologiques, de cette décadence d'un pays et d'une civilisation. D'autres l'ont fait.

Mais on se penchera plutôt sur des causes plus primitives, mettant en jeu des forces originelles qui remontent aux sources de la création. On en mesurera plutôt les conséquences assez évidentes.

Pour tenter une explication lisons le texte d'Eugène Lesbazeilles (1884) :

« Toutes ces espèces, tous ces individus si étroitement entassés et enchevêtrés, se gênent, se nuisent réciproquement. Leur apparente tranquillité est trompeuse ; en réalité ils soutiennent une lutte continuelle, implacable les uns contre les autres ; c'est à qui s'élèvera le plus vite et le plus haut vers l'air et la lumière, sans pitié pour le voisin. On en voit en saisir d'autres comme avec des griffes et les exploiter au profit de leur propre prospérité ».

Eugène parle-t-il de l'espèce humaine ? Eh bien non. Il parle des plantes dans la forêt colombienne : « Le principe qu'enseignent ces solitudes sauvages n'est certes point de respecter la vie d'autrui en tâchant de vivre soi-même, témoin cet arbre parasite le Cipo Matador... », continue-t-il.

Les plantes ont été les premières habitantes de la terre, puis les animaux, puis les hommes. Et en chaque homme on retrouve de la plante et de l'animal (voir Darwin et la biologie moderne). La phrase, au départ humoristique, « l'homme descend du singe et le singe descend de l'arbre » se trouve à la fin être une extraordinaire vérité scientifique.

Dans cette foire d'empoigne de la forêt vierge qui est l'émergence de la vie, il y a un arbre ou plutôt une liane que l'on nomme « Cipo Matador » (la liane tueuse). Elle s'en va chercher un appui sur un autre arbre, ses deux bras griffus étreignent le tronc de la victime qui se trouve garrottée, vidée de sa sève, et meurt anémiée, étranglée.

 

Nietzsche, pardon de le citer, appelait cette force vive, que l'on trouve aussi bien dans le règne végétal qu'animal et qu'hominien, la volonté de puissance. Il faut reconnaître que celle-ci a été nécessaire à l'éclosion de la vie, a été le moteur principal d'une évolution qui peut quelquefois nous paraître sanglante à nous hommes sensibles et raisonnables du XXIᵉ siècle convertis à la morale. Une force que l'on peut comparer à une sorte d'énergie créatrice indomptable.

L'homme « évolué » a commencé à réfléchir et il s'est aperçu qu'il fallait maîtriser cet instinct, cette volonté de puissance parfois trop dévastatrice et même antisociale, c'est-à-dire néfaste au maintien d'une organisation sociale paisible, du moins ordonnée.

Pour juguler et tenir en respect cette force universelle, l'adoucir, l'être humain a créé des lois, des interdits religieux ou laïques et  instauré la culture comme élément modérateur entre autres.

Mais cette force est si primitive, si vigoureuse, si impétueuse, si ... incontrôlable, qu'elle ressurgit à intervalles réguliers, faisant fi des interdits.

Certains hommes se laissent submerger par celle-ci, se trouvent habités par cette tempétueuse frénésie. Ils se transforment en « Cipo Matador », et finissent par piétiner les plus fragiles pour asseoir leur domination et régner sans entrave et sans partage avec et grâce à leur armée de petits matadors subjugués et soumis. L'histoire n'est pas avare de tels hommes, plus ou moins dictateurs, despotes, oppresseurs, conquistadors. Et la société civilisée, démocratique, a bien du mal à se défendre contre cette énergie destructrice venue du fond des âges.

On peut sans contexte er tout homme (ou toute femme) – qui balaie toute organisation sociale, démocratique, fraternelle – dans le club des « Cipo Matador » ; car il n'est pas dans la structure mentale et dans les gènes de ces individus de comprendre et d'accepter un système social sophistiqué, telle par exemple une démocratie avec un service public pointu, des écoles performantes, des hôpitaux modernes et bien dotés, des industries produisant des objets de qualité, une recherche scientifique compétitive, une administration efficace, intègre et ... humaine, travaillant au bien-être d'une population. Pour ces hommes de telles démocraties sont des erreurs, des maillons faibles de l'économie mondiale, des obstacles à la concurrence sauvage, débridée, où les plus forts, les plus riches, les plus rusés, les plus cyniques, les plus brutaux, les plus durs, doivent triompher, exploiter, assujettir.

 

El Cipo Matador est pure volonté de puissance ; c'est sa nature, comme c'est la nature du tigre de dévorer l'antilope, du virus de tuer. Nature primaire qui remonte à la nuit des temps, aux sources brûlantes des magmas venus des profondeurs de la terre. Désorganiser, détruire, pour imposer sa loi, sa propre vérité, son idéologie, son autorité, sa souveraineté, sa volonté de domination, son ego dilaté à l'extrême, tel est « El Matador ».

 

On comprendra donc que les histoires que raconte un romancier de notre époque (s'il veut s'attacher à un semblant de vérité et décrire une société dans sa réalité et sa vérité), ne pourront être que tourmentées, virulentes, souvent violentes, car issues d'un monde encore en fusion, en agitation permanente, parfois au bord de la destruction. Le monde rose bonbon que nous propose une certaine littérature du rêve, de la bien pensance n'est vraiment pas en adéquation avec l'univers noir qui est hélas le nôtre. C'est un monde hors sol souvent insufflé et encouragé par "l'oligarchie EL Matador" qui ne tient pas à ce que sa véritable idéologie de la suprématie, son aspiration à la domination totale, soit mise en évidence.

Voilà pourquoi le nouveau roman est obligé d'être réaliste et noir. Le roman noir a gagné, de nos jours, ses lettres de noblesse. On ne peut plus lui refuser sa place, c'est la moindre des choses et l'évidence même...

À bien y réfléchir et lorsqu'on connaît l'histoire du XXe siècle peut-on parler d'un univers stable, de gentils bobos, d'une évolution de nos sociétés ? Il faut s'y faire la terre n'a jamais été un paradis. À l'homme de ne pas en faire un enfer intégral.

 

 

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