Les deux hommes s'apprêtaient à rentrer en cette fin d'après-midi du 19 août, quand soudain ils entendirent un bruit singulier, une sorte de toux de tuberculeux provenant d'un porche ombreux. Anouilh regarda intrigué et Mersen fut parcouru d'un long frisson quand il le vit porter la main à son arme.

____________________________________________________________________________________________________

Le Président du Sénat, Larbalette, l'attendait au milieu de la salle, non loin d'une grande et haute fenêtre qui distillait sa clarté chatoyante sur le décor somptueux, d'une exubérance joyeuse. « Mon Dieu, qu'il est laid?! » Ne put s'empêcher de penser Mylène, en considérant Larbalette avec un peu de pitié. La tête d'un renard apoplectique, les joues d'un rouge brique inquiétant, prêt à virer au rouge sang et peut-être même au coup de sang, l'œil à moitié caché par la paupière tombante, celle d'un vieux pirate ivrogne des Caraïbes, le museau proéminent, à la recherche d'on ne sait quelle nouvelle ruse machiavélique, tortueuse ; et son ventre?! Celui d'un chapon de ferme engraissé aux meilleurs grains de maïs jaune. Son œil égrillard trouvait encore la force de fixer la taille et les seins de Mylène et trahissait le fait qu'il se prenait dans sa fatuité toute masculine et les embruns de vins assimilés avec difficulté vu son âge, pour le tombeur de ses dames, un Don Juan charmeur, irrésistible. Car il fréquentait les plus belles escort-girls de la place parisienne, un peu comme autrefois le riche bourgeois fréquentait les cocottes de la Belle Époque. [.......]

« Comment allez-vous ? Demanda Mylène. –

Mon toubib ne m'a pas diagnostiqué de cancer de la prostate, donc je peux dire que je me porte bien, car en matière d'emmerdements, j'ai eu ma dose. Hum... Je voulais connaître votre analyse sur la prochaine élection présidentielle. Le président actuel est au plus bas dans les sondages, cent mètres au-dessous du niveau de la mer ; à moins d'augmenter le SMIC de cinq cents euros et les retraites de 20 %, il ne remontera pas, même s'il effectue un pèlerinage à Lourdes... Il ne peut y avoir de miracles, certains cas sont désespérés même aux yeux de Dieu.

– Ainsi l'opposition va passer.

– Mm, pas si évident que cela... Moi, comme vous le savez je suis sur le fil du rasoir. L'ancien ministre Juvamine aurait pu me remplacer, mais il traîne ses casseroles avec ses affaires de marchés publics... Eh, oui, à l'époque la justice fonctionnait à peu près normalement. De nos jours il faut plus craindre d'une certaine presse d'investigation que des juges. Un rire gras sortit de sa bouche.... Et puis il est impopulaire, c'est comme ça, il n'a pas la gueule de l'emploi, trop triste, trop sec, il sent la naphtaline. Il ressemble à un curé de campagne rigide qui n'a pas supporté l'abstinence qui lui est montée en étouffements successifs jusqu'à sa gorge et qui a été incapable d'atteindre la foi malgré toutes ses tentatives malheureuses.

– Un classique ces pots-de-vin aux marchés publics... Mylène faillit éclater d'un rire nerveux en constatant que [.......] "

________________________________________________________________________________

« Le désir d'ordre de la Bourgeoisie peut être tourné à notre avantage, Monsieur le Président, comprenez qu'en matant avec dureté, en sanctionnant avec la plus grande fermeté la révolte des classes populaires, vous montrez à la grande bourgeoisie mais aussi aux classes aisées, toutes deux tétanisées par la double peur d'être moins riche ou de devenir un jour plus pauvre, que vous restez le garant de l'ordre social, l'unique recours contre la barbarie déchaînée de la foule des manants... Des rustres ! Si j'ai une suggestion à vous faire, Monsieur le Président, c'est celle-ci : jouer sur la terreur sans limite des classes bourgeoises dont l'appétence pour l'ordre et la détestation profonde de la plèbe, de la populace, est immense ! »

________________________________________________________________________________

La file soumise par moments à des soubresauts, se gondolait avec frénésie, se convulsait avec fureur ; on se querellait, on se bousculait afin de garder sa place dans la rangée. Un car de gardes mobiles stationnait pour éviter tout débordement intempestif. Les militaires ne réagissaient plus aux insultes, lassitude... Toutefois, les grenades étaient bien rangées dans la camionnette, prêtes à l'emploi si nécessaire... De temps en temps une ambulance filait emportant en son ventre rouillé un individu défaillant qui venait de s'écrouler lourdement sur les pavés gluants. La peur blême s'infiltrait partout.

Une vieille femme agrippa le bras du jeune lieutenant qui longeait la colonne, sa bouche édentée sanglota son désespoir : « Monsieur ! Notre pauvre pays saigne, pleure, voit régner plus de perversité, de bassesse et de pourriture qu'auparavant ! ». Il se dégagea doucement, puis sans se retourner il commença à courir, n'écoutant plus l'aïeule qui continuait à psalmodier ses paroles de détresse et de désolation dans le vide fiévreux

________________________________________________________________________________

QUELQUES EXTRAITS :

Partager cet article